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Les gros cuiserotains solidaires – partie 1

par Oleg

 

Introduction :

A de très nombreuses reprises, Jean-sans-Peur a, durant son règne, concédé à des proches, l’usage et le profit des ateliers monétaires qu’il contrôlait, soit en remerciement de services rendus, soit pour rembourser des emprunts qu’il avait contractés. C’est ce que l’on nomme communément les émissions extraordinaires, non pas au sens « fabuleuses », mais parce qu’elles n’étaient pas décomptées des quotas de fabrication prévus par les ordonnances ducales, qu’elles faisaient l’objet de fabrications supplémentaires non relevées dans les registres de la Chambre des comptes. Ces « largesses » furent d’autant plus nombreuses à partir d’octobre 1417, lorsque le duc obtînt de la reine Isabeau-de- Bavière de pouvoir frapper à volonté, mais au nom du roi Charles VI, dans les ateliers royaux de Dijon, Chalon-sur-Saône, Mâcon, Troyes et Châlons-en-Champagne. Après l’assassinat de Jean-sans-Peur le 10 septembre 1419, Philippe-le-Bon devînt duc et mît un terme à ces émissions à répétition, et n’en n’accordera que très rarement, et le plus souvent à des collectivités. Certaines monnaies produites lors de toutes ces cessions extraordinaires nous sont parvenues. Si, faute de documents d’époque, elles ne sont pas forcément attribuables aujourd’hui, elles sont malgré tout repérables à leurs marques secrètes supplémentaires insculpées dans les coins avant la frappe, point plein ou annelet, dont l’emplacement fût sur le moment, délibérément choisi pour identifier la délivrance et son bénéficiaire.

La mise en œuvre d’une telle émission était simple ; le duc mandait le maître d’atelier de se fournir en métal dans la quantité préalablement définie, de forger les monnaies au type, titre et poids demandés et de reverser le bénéfice aux titulaires de l’émission, admettons dans le cas présent, nous sommes en présence de gros dont la faciale était de 20 deniers tournois, mais dont le coût de production (achat du métal + façon) devait avoisiner les 8 deniers (valeur fictive et aléatoire pour l’exemple), les bénéficiaires devaient donc recevoir 12 deniers par monnaie frappée, soit 12 gros sur 20 frappés, donc 60% de la production, les autres 40% rentraient dans la poche du maître pour couvrir les frais engagés.

Contexte historique :

Ainsi le lot 437 de la vente aux enchères Poinsignon « Collection Numismatique Jean-Claude Bourgeois » (Besançon, 26 mai 2012), provient d’une émission extraordinaire. Il s’agit d’un gros dit « florette » aux armes de Bourgogne et au nom de Philippe-le-Bon, frappé à Saint Laurent-lès-Chalon entre juillet 1420 et février 1421, premier exemplaire répertorié et donc inédit, affichant un point plain à gauche de l’écu à l’avers, qui attira mon attention. Mais au regard de la qualité du cliché proposé par le professionnel responsable de la vente, je ne puis identifier l’émission avec plus d’exactitude qu’elle ne l’avait été dans la description du catalogue.

Mais début 2016, j’ai eu la possibilité d’acquérir une collection de gros bourguignons, des trois ateliers ducaux, forgés entre 1419 et 1421, et dans laquelle se trouvaient d’autres exemplaires au point à gauche de l’écu, des ateliers de Saint Laurent-lès-Chalon, mais aussi de Cuisery, inconnus pour ce dernier jusqu’alors, et qui m’apportent enfin la solution.

En effet, en examinant de très près ces gros, j’observais que le point plein n’est seulement à gauche de l’écu, mais qu’il est aussi relié à la base de l’écu par un filet très nettement gravé dans le coin, qui signifie que l’on a volontairement déporté le point de la base de l’écu, à sa gauche, pour lui substituer une étoile à cinq ou six raies (photo ci-dessous).

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Petit rappel des signes distinctifs que l’on trouve communément à la pointe de l’écu sur les premiers gros bourguignons : à Auxonne un point plain (), à Saint Laurent-lès-Chalon une étoile (*), et à Cuisery un croissant ().

La solution est là, gravée dans le métal, l’étoile pour le point, Saint Laurent-lès-Chalon pour Auxonne, sur des gros de Cuisery. Mais à quelle occasion Saint Laurent-lès-Chalon a forgé pour Auxonne avec l’aide de l’atelier de Cuisery ? Dans l’ouvrage de Françoise Dumas-Dubourg, « Le Monnayage des Ducs de Bourgogne » publié en 1988, l’auteur fait mention d’une lettre d’ordonnance monétaire du duc Jean-sans-Peur datée de janvier 1419, autorisant une concession extraordinaire pour la production de monnaies à hauteur 24000 marcs d’argent sur une durée de quinze mois, au seul profit des habitants d’Auxonne, victimes d’un incendie qui ravagea leur cité en 1418, et dont le profit généré par cette émission servît à la reconstruction de la ville.

Mais la guerre et le manque de billon avait retardé cette émission au point qu’au début 1420, moins de 5% du métal avait été forgé. Philippe-le-Bon devenu duc entre-temps, demanda par lettres du 4 juin 1420 que l’émission fût accélérée et terminée à hauteur de 6000 mars d’argent seulement, avec l’aide des ateliers de Saint Laurent-lès-Chalon et de Cuisery.

Françoise Dumas-Dubourg n’avait, au moment d’éditer son travail de recherche, pas retrouvé ou identifié d’exemplaire de cette émission extraordinaire, qui ne figure donc pas dans la nomenclature de son catalogue, ce qui fait de ces exemplaires, des monnaies restées inédites jusqu’à la vente Poinsignon, puisqu’aucune ne figurait, dans la vente aux enchères OGNumismatique « Collection d’un Amateur Bourguignon » 2ème partie (Paris 16 et 17 juin 2011).

L’étoile de Saint Laurent-lès-Chalon, apposée sur des florettes de Cuisery, accompagnée du point plein d’Auxonne, déporté à gauche de l’écu. Il s’agit donc bien de ces productions au profit des habitants d’Auxonne réalisées conjointement dans les deux autres ateliers ducaux.

 

à suivre….

sources :

1/- « Le Monnayage des Ducs de Bourgogne », Françoise Dumas-Dubourg, 1988

2/- « Essai sur les monnaies des ducs de Bourgogne », Anatole BARTHELEMY, 1852 page 65

3/- « Collection d’un Amateur Bourguignon » 2è partie, catalogue de la vae OGNumismatique  à Paris, 16 et 17 juin 2011

4/- « Collection numismatique Jean-Claude Bourgeois », catalogue de la vae Poinsignon  à Besançon, 26 mai 2012

5/- collection de l’auteur

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