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La triste fin de la semeuse de Roty

par gilles Marchand

La semeuse d’Oscar Roty, sculpteur et médailleur né à Paris le 12 juin 1846 et décédé en 1911, n’est pas connue des seuls numismates et philatélistes. Plus de 100 ans après sa création, elle reste encore utilisée tous les jours par des millions de français sur nos pièces de 10, 20 et 50 centimes d’euros.

Cette effigie de la République, très moderne et innovante à l’époque de sa création, est née en 1887 pour un projet de médaille qui resta dans les cartons. Oscar Roty reprendra par la suite ses croquis de la Semeuse pour réaliser les monnaies qui entreront en circulation en 1897. Sa Semeuse figurera ensuite sur les timbres-poste à partir de 1903.

Abandonnée sur les pièces de monnaies à la fin de la Grande Guerre, cette semeuse sera reprise sur les nouveaux francs en 1959 puis sur nos euros.

Mais si l’histoire des monnaies et des timbres est connue, celle de son modèle et de sa triste fin reste méconnue… Elle a été relatée dans un article paru dans le journal “L’Excelsior” du 2 mars 1933 :

Maria est morte il y a quatre ans au Creusot, vieillie, oubliée, dans une misère noire. Vous ne connaissez pas Maria ? Ou vous dites que ce nom vous rappelle une foule de Marias ? Vous vous trompez. Tous vous la connaissez. Il n’y a pas un Français qui ne la connaisse, qui ne l’ait vue, entendez-vous, vue ! Et plusieurs fois par jour et tous les jours de son existence. Écoutez !
Il y a près de quarante ans, un très grand, un très net, un admirable artiste – peut-être, hélas ! le dernier qui ait eu le sentiment des lois qui doivent régir l’art de la gravure en médaille : Roty, tout simplement – aperçut, gardant ses vaches parmi les bruyères d’un plateau du Massif central, une belle fille de seize ans. Elle était pieds nus. Le haillon léger qui la couvrait, illuminé par les rayons du soleil levant, avait Ia splendeur, la dignité d’un péplum antique.
Roty prit son crayon. De cette silhouette apparue dans la liberté de la terre de France, il traça sur son carnet une esquisse hâtive et pourtant inspirée.
Or, c’est cette esquisse qui est devenue la Semeuse. La Semeuse, que nous avons vue, admirez si longtemps sur les pièces de cinquante centimes et d’un franc de notre monnaie d’argent. Puis sur nos timbres de deux sous dont les suites de la guerre ont fait des timbres de dix sous.
La Semeuse : la seule effigie de la République qui soit digne de survivre dans l’estime de la France et des artistes.
Roty, pour faire poser l’humble Maria, lui avait donné vingt francs : cent francs de notre monnaie actuelle. Elle estima que c’était bien payé pour si peu de chose, continua de garder ses vaches – puis mourut ignorée, misérable, comme je viens de vous dire.

Triste fin pour cette femme, morte en 1929 dans la misère alors même qu’elle avait figuré, puis figurera à nouveau à partir de 1959, sur des millions de pièces de monnaie !

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